« Des terroristes à la retraite »
Un film de Mosco Boucault
Formidable documentaire consacré aux FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans - Mains-d’Oeuvre Immigrée), réseau de résistance formé de Juifs communistes originaires de Pologne, de Roumanie ou d'Arménie, qui commirent en 1942 et 1943 de nombreux attentats contre l'occupant.
Nourri de témoignages des héros de cette histoire méconnue, « Des terroristes à la retraite », fait rarissime en matière de documentaire, a mis au jour une matière historique inédite et insoupçonnée. L’historien Stéphane Courtois, qui terminait alors sa thèse sur le PCF dans la guerre découvrait une publication des lettres de fusillés, en 1951 -une brochure préfacée par Louis Aragon-, dans laquelle quasiment tous les immigrés avaient été oubliés.
C'est que l'histoire des communistes dans la guerre était la chasse gardée des communistes eux-mêmes.
Le film a été présenté au festival de Cannes en 1983 puis au festival de Grenoble où il a obtenu le Grand Prix.
En juin 1985, Antenne 2 programme « Des terroristes à la retraite », provoquant l'ire des communistes, encore très actifs à la télévision. Soutenus par le sénateur Charles Lederman et une campagne intensive de la presse communiste, ceux-ci obtiennent de la Haute autorité que le film soit visionné par un « jury d'honneur » composé de figures de la Résistance. Suivant l'avis négatif rendu par le jury, la Haute autorité demande à Antenne 2 de remiser le film dans un placard.
La publication, dans les colonnes du Monde, d'une tribune de l'avocat Georges Kiejman («L'annulation du film sur le groupe Manouchian : un pas vers la censure à la télévision ? ») fait l'effet d'un pavé dans la mare, provoquant la colère de François Mitterrand. Et le film fut alors diffusé dans les Dossiers de l'écran, précédé d'un avertissement du sénateur Charles Lederman et suivi d'un débat dont il n'est rien sorti.
Favorisée par la polémique, cette diffusion réunit 13 millions de téléspectateurs – un record dans l'histoire de l'émission d'Armand Jammot. Près de trente ans plus tard, le film de Mosco Boucault a certes perdu de sa force transgressive. Mais la puissance de témoignage des Terroristes à la retraite et la profonde humanité dont est chargé ce film doublement historique ne manquera pas de marquer de nouveaux spectateurs, renouant avec sa vocation première.
Extraits de l’article de François Ekchajzer publié dans Télérama le 06/02/2014.