Idle Korman, homme d’exception (1905-1979)

Idle Korman, de son vrai nom Idle Barszczewsiki, est né le 14 mai 1905 à Wolomin dans ce qui était à l’époque la banlieue de Varsovie.
Idl Korman

Idle Korman, de son vrai nom Idle Barszczewsiki, est né le 14 mai 1905 à Wolomin dans ce qui était à l’époque la banlieue de Varsovie. Seul garçon d’une famille de six enfants que sa mère veuve dut élever seule. Il alla, comme tous les garçons à l’époque, au Heder (école élémentaire traditionnelle où sont enseignés les rudiments de judaïsme et d’hébreu).

Il se marie en Pologne en 1926 avec Chaja Gitla Upfal et émigre à Paris au tout début des années 1930.
Sa fille Madeleine y naquit en 1933.
Il travaille comme tapissier, jusqu’à la guerre, dans une petite usine. Il y fait connaissance, en particulier, d’une ouvrière non-juive qui accueillit Madeleine, après la rafle du 16 juillet 1942.

Il milite au Parti Communiste français et dans les organisations juives d’extrême gauche. C’est probablement à ce titre qu’il fut arrêté en 1939/1940 et interné durant quelques temps à la prison des Tourelles (près de la Porte des Lilas).

Le 14 mai 1941, il est de ceux qui ne se rendent pas à la convocation dite du ” billet vert” et passe dans la clandestinité.
Durant l’été 1941, il est responsable de l’organisation du sabotage dans l’industrie de l’habillement et de la fourrure qui travaillait pour les Allemands. Il fait partie de la direction parisienne de la MOI (1) comme adjoint d’Adam Rayski.
Fin avril 1943, il participe, 13 rue Saint Blaise, dans le 20ième arrondissement de Paris, avec huit autres militants (2), dont deux venus de la zone sud, à une conférence qui fonda l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide)
Il est arrêté fin juin 1943 avec 70 autres résistants par la Brigade Spéciale de la Préfecture de Police (3) dans le cadre de ce qui fut la “2ième filature”. Ces arrestations, qui suivaient celles des jeunes de la MOI, précédèrent le démantèlement de cette organisation après la 3ième filature. A la suite de quoi fut organisé par les nazis le procès du Groupe Manouchian, illustré par l’Affiche Rouge.

Parmi les personnes arrêtées à la suite de la deuxième filature figurait son épouse Gitla. Après un court séjour au dépôt et un bref passage à Drancy, le groupe de femmes dont elle fait partie est déporté le 21 juillet 1943 par le convoi n°58. Elle arrive à Auschwitz le 2 Août 1943, date anniversaire de la naissance de sa fille Madeleine.

Sept hommes, dont Korman, furent torturés par les Brigades Spéciales et gardés plus longuement en prison. Deux d’entre eux en furent extraits pour être fusillés (3). Les autres, dont Korman, furent envoyés à Drancy en septembre 1943.
A Drancy, il incite à reprendre le creusement du tunnel commencé par un groupe d’internés précédents qui avaient été déportés avant d’avoir pu le terminer (4). Ils travaillèrent jour et nuit mais l’entreprise fut découverte. Le tunnel mesurait alors 9,30 m sur les 37 m nécessaires. Ils furent déportés le 7 octobre 1943 avec le convoi n°60.

A Auschwitz il est dirigé vers le camp satellite de Buna-Monowitz. Il y organise un groupe de résistants avec, en particulier, Alfred Besserman qui milita avant la guerre dans les milieux syndicaux. Un peu avant l’arrivée des troupes soviétiques ils sont évacués le 8 janvier 1945 dans une colonne de 11 000 hommes dans une “marche de la mort”, séquence qu’il a raconté plus tard par écrit (5).

Montage photo Idl KormanIl revient à Paris en juin 1945, Peu après il se sépare de sa femme Gitla, revenue, elle aussi de déportation, et commence une vie commune avec Techka Forszteter qui avait échappé à la seconde filature et fut arrêtée ultérieurement comme résistante “non-juive”. Techka fut déportée au camp de Ravensbrück. Elle fut affectée avec d’autres femmes dans une usine qui fabriquait des munitions pour la Wehrmacht dont elles tentèrent de saboter la production.
Ensemble ils adoptèrent la petite Nelly Crazover, fille d’une de ses sœurs, Esther, qui arrêtée avec son mari, Emile, lors de la rafle de 16 juillet 1942, ne revint pas des camps de la mort. Ce fut également le cas d’Emile. Deux autres de ses sœurs –Régine et Léa (la mère d’Henri Krasucki) – furent également déportées et en revinrent.

Idl Korman en tribuneA son retour des camps, Idle Korman devint permanent de l’UJRE. Il fut un des dirigeants de cette organisation et apparut souvent à la tribune lors de différentes manifestations.

En 1954 Il repart en Pologne avec Techka et Nelly. Il y écrivit dans le journal yiddish « Volkstimme », Nelly y fit sa scolarité et des études de médecine et Techka y travailla dans un périodique de langue polonaise.
Lors de la guerre des Six jours entre Israël et les pays arabes et dans un contexte de montée de l’antisémitisme en Pologne, il publia un article qui ne plut pas aux dirigeants communistes. Ce fut le début de sa mise à l’écart. Techka perdit également son poste et ils revinrent en France en 1968.

Le retour ne fut pas facile pour ces militants qui ne furent pas accueillis à bras ouvert par leurs anciens camarades communistes. Le besoin de militer les amena à l’Union des Société Juives de France. Idle Korman s’investit alors dans la défense de la Culture Yiddish et participa à la création de l’AEDCY. (Association pour l’Etude et la Défense de la Culture Yiddish). L’AEDCY fut une des composantes de la Maison de la Culture Yiddish-Bibliothèque Medem créée en 2003.

Idle Korman participa au Comité qui, en 1977, lança l’idée d’éditer un dictionnaire yiddish-français. Ce dictionnaire, le premier à traduire directement les termes yiddish en français parut en 1982 (6). Le second volet de cette entreprise, le dictionnaire français-yiddish fut publié en 1989 (7). dIl ne vit pas la sortie de ces dictionnaires car il mourut en juillet 1979 des suites d’un cancer du poumon. Techka Forszteter, sa compagne, était membre du secrétariat du comité responsable de ce projet. C’est elle qui créa le “Prix Korman” destiné à récompenser une personne ayant œuvré à la préservation ou à la diffusion du Yiddish.

 

Notes :
1) M.O.I : Main d’œuvre Immigrée ; organisation, dépendant du PCF destinée aux travailleurs immigrés
2) S.Cukier ; D. Decèze ; David Diamant ; M. Gronowski “Juifs révolutionnaires” Editions Sociales 1987
3) Adam Rayski ” L’affiche rouge” Edité par la Mairie de Paris 2003 d’où est tiré le document ci-dessous sur la 2ème
filature.
4) David Diamant ” Les Juifs dans la Résistance française” Roger Maria Editeur 1971
5) Ydl Korman : Article paru dans le journal yiddish ” Notre Parole”
6) Rédigé par Noé Gruss et Samuel Kerner, avec la participation de B. Vaisbrot.
7) Rédigé par Samuel Kerner et Bernard Vaisbrot

 

Annexe :

Idl Korman 2ieme filature

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