Jean Marie Le Pen était le « Diable de la République », il était considéré comme un repoussoir et le pouvoir ne l’intéressait pas. Mais maintenant, le FN est une force solitaire et approche la barre fatidique des 50% à diverses élections. On constate d’ailleurs la même évolution des populismes en Europe : Autriche, Danemark, Finlande, Hollande, Suisse.
A l’extrême gauche, même constat : prise de pouvoir en Grèce avec Syriza, montée de Podemos en Espagne, et dans une moindre mesure Mélenchon en France.
Il faut comprendre que l’électorat a changé et que Marine Le Pen a fait évoluer le FN. Elle a accompli une OPA sur une partie de la culture républicaine et de gauche. Son programme est un programme de gauche dure, économiquement et socialement. Elle ne dérape plus sur l’antisémitisme comme au temps de son père. Elle s’est appropriée les thèmes de la laïcité, d’état républicain, de la séparation des églises et de l’état.
Cinq fractures expliquent la dynamique du FN :
- La fracture économique : on est passé de la société industrielle à la société de services. Les perdants de ce changement socio-économique ne s’expriment plus dans la gauche traditionnelle et se tournent vers le FN.
- L’ouverture économique, la globalisation en Europe : la société est devenue cosmopolite. Une part importante de la population ne se retrouve plus dans ce recentrage et il y a un clivage entre société ouverte et société close.
- La fracture culturelle : il existe un clivage autour des valeurs sociales ; voire les débats sur les thèmes du mariage pour tous et de l’euthanasie. Le retour de la demande de l’autorité se fait pressant.
- La fracture territoriale : il y a la France visible, urbaine de nos grandes cités et la France invisible péri-urbaine. Cette France se sent abandonnée et fait remonter sa colère.
- La déception de la politique traditionnelle : 3 français sur 4 ne sont pas contents du système politique actuel. Le FN promet de « faire le ménage ».
Il est donc essentiel que les forces politiques républicaines luttent contre ces cinq fractures. Par ailleurs, si l’UMP implose (et nous avons eu un échantillon entre les deux tours de la législative du Doubs), le FN aura une énorme capacité d ‘expansion.
Ce sont les défis majeurs auxquels il faudra répondre très vite.
Pour ce qui concerne l’Islam en France : l’antisémitisme traditionnel est devenu marginal. Par contre, on note un regain extrêmement virulent de cet antisémitisme avec une nouvelle judéo phobie arabo-musulmane. Cette nouvelle judéo phobie se transforme en acte (Ilan Halimi, Toulouse, Musée juif de Bruxelles, Hypercacher). Il s’agit d’un problème important et grave qu’il va falloir traiter, sortir des débats interdits, nommer les choses, le dire.
Pascal Perrineau a parlé ensuite de l’Europe en nous listant aussi de nombreux problèmes dont la panne de la croissance. L’Europe qui était un terrain de paix voit la guerre s’installer dans ses frontières (l’Ukraine). Il faut remodeler l’Europe en reconstruisant des cercles concentriques dynamiques.
De nombreuses questions ont ensuite été posées à M.Perrineau qui a répondu dans son style précis et concis.
La soirée s’est terminée de manière conviviale autour de thés, cafés et pâtisseries qui ont réchauffé l’atmosphère au Farband.
Pascal Perrineau enseigne à Sciences Po et en fut, jusqu’en 2013, directeur du Centre de recherches politiques (Cevipof),. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur les comportements politiques, les élections, les idées politiques françaises. Ses recherches portent principalement sur l’analyse des élections, l’étude de l’extrême droite en France et en Europe ainsi que sur l’interprétation des nouveaux clivages à l’œuvre dans les sociétés européennes.