Pendant six années, six longues années, six années interminables, les étoiles disparurent du ciel de l’Europe. Le ciel était noir, le cœur des hommes aussi. Même les plus petites étoiles ne furent pas épargnées ; elles avaient beau pleurer, gémir, se lamenter mais qui entend pleurer une petite étoile juive dans cette humanité ? Même les plus anciennes, celles qui avaient tant éclairé, tant apporté, ne furent pas considérées. Ces étoiles, on les enferma dans des trains – trains d’étoiles – où chaque wagon à bestiaux retenait en lui tant de lumière, tant de misère, tant de lueur, tant de malheur. Et ces étoiles à qui toute dignité avait été enlevée, partirent de cette terre dans une explosion de gaz – chambre à étoiles, chambre à gaz- -et regagnèrent le ciel par des cheminées, chemin de nuées, chemin de nuage, nuages d’étoiles. D’autres restèrent à terre, entassées dans la terre, dans des fosses creusées, recouvertes de neige, de neige rouge, rouge de sang ; étoiles de terre, étoiles de neige, étoiles qui saignent, étoiles et tant de mystères.
Qui peut imaginer, mettre en image, un tel rouage ? Un tel ravage ? La distance qui nous sépare de ces étoiles est infinie ; et nous sommes là, rassemblés, avec d’invisibles filets pour attraper des bribes d’histoire et de mémoire, d’étoiles belles et montantes, d’étoiles qu’on a criblé de balles, telle la plus simple des toiles – toile, tissu – qui ne peut résister ni aux balles ni aux rafales.
A la fin de la nuit, il restait quelques étoiles, esseulées, ici ou là, sans plus rien ni personne ; telles des étoiles filantes, toujours prêtes à fuir, à courir, tenaillées par d’atroces souvenirs.
Qu’ils ont été stupides et lâches ces monstres au visage d’homme d’avoir tenté d’éteindre les étoiles du ciel, ces étoiles qui tiraient leur lumière de l’événement du Sinaï, de la Torah donnée au Sinaï, des mitsvot reçues au Sinaï. Mais un ciel sans étoile est un ciel qui se meurt.
Puis, c’est sur un étendard, un étendard blanc, planté au milieu du désert, au milieu d’une terre à partir de laquelle Avraham avait contemplé le ciel et les étoiles, une terre sur laquelle il avait entendu la promesse, la promesse d’une progéniture accomplissant Torah et mitsvot, remplissant cette terre de matière céleste ; c’est sur cet étendard blanc, planté au cœur du désert, que l’étoile pris racine pour espérer, espérer en une chance de vie nouvelle, pour espérer en une chance de vie qui avait été l’objet de la promesse.
Jacky Milewski