Les Enfants du Lublin : petite histoire d’une société
La Société Les enfants de Lublin et de ses environs fait partie des sociétés d’originaires et/ou de secours mutuel qui furent capables de s’organiser, de s’insérer au sein de la société française tout en ayant eu une expérience de la guerre et en cultivant le souvenir de la Shoah.
La Société Les Enfants de Lublin et de ses environs a été créée sur le modèle des organisations juives autonomes d’Europe centrale mais aussi sur celui des caisses sociales ayant préexisté à l’État providence, qui remplissaient plusieurs fonctions de type socio-économiques : secours aux malades et aux nécessiteux, gestion des funérailles ou encore microcrédit.
Elle servait de lieu de sociabilité et d’intégration des nouveaux juifs immigrés à la société française, organisant des cours de français et constituant un véritable réseau par lequel les nouveaux immigrés fraichement débarqués de Pologne pouvaient trouver un toit et un travail.
Elle faisait le lien avec le pays de départ, les familles qui y étaient demeurées et surtout après la Shoah, elle devint une communauté de substitution à celles exterminées en Pologne.
Les sociétés étaient au nombre de 170 en 1939 et environ 56 dans les années 1980.
Peu d’articles retracent la vie de ces sociétés (peu d’archives même au sein de la Fédération des Sociétés juives de France ni même à l’Union des Société juives de France).
Quelques documents déposés au Mémorial de la Shoah sont en cours de classement.
La Société Les Enfants de Lublin a été fondée en 1929 en concurrence d’une première société de Lublinois existant depuis 1908. Elle a été profondément remaniée à la Libération, du fait des nombreux disparus pendant la guerre et de l’arrivée de nouveaux originaires rescapés de la Shoah ayant quitté la Pologne.
C’est une société qui comportait encore dans les années 1980 plus de 150 membres, se plaçant ainsi juste derrière celles de Varsovie et de Radom. En 1952, la société fait rédiger un Livre du Souvenir. On trouve aussi plusieurs publications commémoratives retraçant l’histoire de cette institution.
Comme la plupart de ces sociétés, la Société les Enfants de Lublin a été frappée de plein fouet par la Guerre. Les rescapés se retrouvent à Paris en février 1945 pour refonder la société et la doter de nouveaux statuts. Durant les premières années, l’activité principale réside dans l’aide sociale aux victimes : déportés de retour des camps, veuves et orphelins de guerre et nouveaux arrivants originaires de Lublin et des environs.
On les aide à trouver un logement, un travail et à gérer les démarches administratives
Des collectes sont également organisées auprès des Lublinois les mieux établis et permettent de déposer de l’argent sur des livrets de Caisse d’Epargne pour aider les orphelins.
Des activités culturelles sont aussi proposées, des coopérations avec d’autres sociétés (Krasnik, Lubartow, Pulavy) se créent.
Un comité d’organisation se crée au sein de ces sociétés et monte des soirées culturelles regroupant jusqu’à 300 personnes. On y parle d’écrivains yiddish classiques et nouveaux :
les bals renaissent.
L’activité mémorielle s’inscrit dans la Société :
- Monument aux morts pour les 43000 juifs lublinois déportés, victimes de la Shoah inauguré au cimetière de Bagneux.
- Le Livre de Lublin publié en 1952 (700 pages) retrace l’histoire des Juifs de Lublin de l’origine à la Shoah.
La Société des Enfants de Lublin, comme les autres sociétés, est gardienne de mémoire, mais reste aussi un espace de vie témoignant d’un monde encore vivant et dont la langue yiddish exprime ce qui n’est plus…
Léa Kichelewski (avec l’aide d’Audrey Kichelewski, maitre de conférences Université de Strasbourg)
Janvier 2014
Président/Trésorier : Dr Fernand ZERBIB
Secrétaire : Mme Léa KICHELEWSKI